Mbanza Ngungu, Vata dia kangamana Ngunza
Date : 25/12/2024
Heure : 12.26
Cette maison qui se trouve en face de la gare centrale de Mbanza Ngungu a servi de Tribunal qui prononça la condamnation à mort de Tata Simon Kimbangu.
Lorsqu’un ngunguois de souche veut valoriser sa ville natale, il fait notamment allusion à un fait historique de haute portée nationale devenu pratiquement une anecdote pleine de significations : il s’agit de l’événement Simon Kimbangu qui confère à cette cité un caractère sacré. En effet, « Mbanza Ngungu est la ville où fut condamné le prophète Simon Kimbangu ».
Dans ce document, nous n'avons pas la prétention de parler de l'œuvre proprement dite de Tata Simon Kimbangu. Toutefois, il ne serait pas correct de parler de Mbanza Ngungu sans relever les traits caractéristiques de cet homme qui a marqué son époque. Du fait de son appartenance au Territoire de Mbanza Ngungu, il a influencé d’une manière ou d’une autre, certaines décisions arbitraires prises par l’autorité coloniale et qui ont longtemps défavorisé cette contrée… Pour l’histoire, Tata Simon Kimbangu reste et restera sans doute si pas le plus, en tous cas l’un de plus prestigieux et le plus célèbre fils que le District des Cataractes n’ait produit.
Durant la colonisation, les noirs ont vécu sous l’oppression dans un système largement dominé par les intérêts économiques des métropoles occidentales. Les colonisateurs justifiaient leur œuvre en prétextant civiliser l’Afrique noire. Dans ce contexte l’évangélisation fut considérée comme l’un des moyens de civiliser les nègres. Pour la politique coloniale, la religion devint ainsi un instrument de choix, malheureusement non pas pour atteindre des objectifs évangéliques, mais plutôt garantir ses intérêts. Le christianisme fut donc utilisé pour mieux asservir le nègre et le dépouiller complètement de sa personnalité, et de son identité.
La prétention de révéler l’existence de Dieu aux noirs était une aberration historique. Bien avant l’arrivée du blanc, le peuple congolais était déjà très croyant et très religieux. Il était très lié à sa culture et ses traditions. Les Ne-Kongo croyaient en Nzambi a Mpungu. Celui-ci se manifestait auprès de son peuple à travers ses saints qu'étaient les ancêtres décédés après avoir mené une vie exemplaire ici-bas. En outre, le fétiche et la sorcellerie constituaient deux ingrédients inséparables dans le vécu quotidien de ces populations. Voilà qui explique le culte que nos ancêtres vouaient aux morts. Ces derniers servaient dans l’imagerie populaire d'intermédiaires entre les vivants et l'Etre suprême.
A cette époque l’Eglise catholique joue un rôle prédominant dans la réalisation de la mission évangélisatrice et civilisatrice (ou plus correctement occidentaliste). Mais elle n’était pas seule, car il y avait aussi la présence de l’Eglise protestante. Qu’il s’agisse de la mission chrétienne catholique ou protestante, pour les noirs, c’étaient toujours la religion des Blancs, de ses oppresseurs.
Papa Simon Kimbangu avait été baptisé protestant et au moment où il commence sa mission publique il est encore un fidèle protestant. Il reconnaissait déjà le Christ comme notre Seigneur et notre Sauveur. C'est conformément à sa foi chrétienne qu'au début de son ministère, en 1921, il combattait sous toutes ses formes les pratiques fétichistes et la sorcellerie. Il guérissait par la prière. A ses nombreux adeptes il demandait de renoncer à l'adultère et à la polygamie. Il les exhorta à l'amour du prochain et à pratiquer les vertus de la foi chrétienne, tels qu'ils sont recommandés dans la Sainte Bible.
La plus grande préoccupation de Tata Simon Kimbangu, c’est de prendre la foi chrétienne au sérieux et d’en tirer une des conséquences les plus irrévocables, à savoir que l’amour et du prochain est nécessairement un acte de libération vis-à-vis des forces ténébreuses et la foi doit conduire à l’affranchissement de tout être humain. C’est ce point que Kimbangu a légué à ses adeptes. C’est ainsi que le kimbanguisme se présente comme un messianisme temporel et spirituel.
Selon la tradition Tata Simon Kimbangu aurait réalisé de nombreux miracles et guérissons tant spirituelles que physiques auxquelles certains colons auraient eu le privilège d'assister. Les colonisateurs étaient très frustrés de constater qu'un nègre pouvait réaliser des choses sortant de l'ordinaire. Par son attitude, bravant les missionnaires catholiques et protestants dont il dénonce au nom de la Bible, la complicité avec le pouvoir oppresseur, Kimbangu s’insurge d’une manière inouïe et exceptionnelle en ce moment où seuls les blancs avaient la voix au chapitre. Par ricochet il combat au nom de la vraie foie chrétienne la colonisation en général. Le pouvoir établi reconnaît le danger d’un tel message qui menace en fait tout le système de l’exploitation coloniale. C’est justement cela qui incite les colons à porter un coup dur contre ce mouvement religieux mais aux incidences politiques grandioses. Pour ses détracteurs dont les intérêts étaient en jeu, qu’y avait-il de mieux que de condamner Kimbangu en qualifiant sa mission d’imposture.]
La réaction des Eglises institutionnelles d’alors, ne se fit donc pas attendre. Appuyés par les commerçants et les journalistes, ils vont exercer une pression terrible sur les administrateurs coloniaux en accusant Kimbangu d’être un agitateur politique, un illuminé et un fou. Cela va lui valoir son arrestation et son transfert à Thysville, avec tous ses collaborateurs et ses nombreux fidèles. C’est dans cette ville de Thysville, aujourd’hui Mbanza Ngungu qu’il sera jugé par un tribunal militaire d’exception et qu’il sera condamné à la peine de mort, peine qui sera plus tard commuée en prison à perpétuité par le Roi des Belges. D'aucuns pouvaient croire que la condamnation de Tata Simon Kimbangu allait avoir un effet dissuasif sur l’ensemble de la population des Cataractes. On croyait encore au dicton selon lequel la peur du gendarme serait le début de la sagesse ! Malheureusement, le pouvoir colonial avait sous-estimé l’ampleur de ce mouvement. Cette sanction n’avait eu aucun effet sur cette population. Au contraire, cette brutalité sur un homme tant estimé contribuera à augmenter l’enthousiasme et la ferveur des adeptes du kimbanguisme.
Il est intéressant de noter les divergences entre Kimbangu et ses détracteurs lorsqu’il s’agit de son identité Si pour les colons belges Kimbangu était considéré comme un prophète (ngunza), lui-même leur répondait invariablement qu’il n’était pas un prophète, mais plutôt un Envoyé de Dieu (ntumua). Il ajoutait qu’il avait pour mission de révéler les choses cachées. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Tata Simon Kimbangu a été en avance sur son temps, car à travers ces enseignements, il fut le précurseur, le vrai libérateur du peuple congolais, face à l’oppression dont il fut victime durant toute la période de sa colonisation.
La preuve sera cette réaction musclée que le pouvoir colonial va déclencher sur l’ensemble du territoire de Thysville et plus particulièrement dans la zone de Ngombe Matadi qui a payé un lourd tribut pour avoir donné naissance au mouvement kimbanguiste. Plusieurs compatriotes de cette partie de notre pays furent arrêtés, emprisonnés et déportés hors de leur région d’origine, car disait-on, ils constituaient un vrai danger pour le pouvoir colonial. On pensait les affaiblir en les éloignant de leur terroir. Ainsi on croyait également juguler la diffusion des idées indépendantistes.
De Simon Kimbangu nous devons cependant retenir ce qui vaut pour tous les Ne-Kongo et tous les Congolais. La revendication des droits humains fondamentaux. Il a accepté le martyre plutôt que de se taire et laisser libre cours à l’injustice et l’oppression. Simon Kimbangu demeure un témoin et un modèle dans la lutte pour la libération des noirs.
Sur le plan théologique, le mérite de Tata Simon Kimbangu, c’est d’avoir compris que le messianisme chrétien le plus authentique ne peut supporter l’oppression. Il doit nécessairement agir comme une force de libération dans toutes les sociétés. Par son action Kimbangu a vécu sa foi chrétienne de manière conséquente. Ainsi que le dit une chanson : « Contre l’injustice si je n’ai rien fait, je serai complice de tous ses méfaits »…
Au delà du mouvement spirituel qu’il a incarné, Tata Simon Kimbangu fut la première personne qui a sonné le glas de l'indépendance politique dans notre pays en drainant des foules. Son œuvre doit être clairement circonscrite dans le cadre de la lutte contre l’oppression coloniale. Celle-ci fut éprouvée sur le plan politique, économique, social et par ricochet sur les plans culturel et religieux. Le kimbanguisme était considéré par les colonisateurs comme un mouvement de refus, une rébellion vis-à-vis des institutions établies. On ne doit donc pas s'étonner que le District des Cataractes, son fief, soit placé sous régime militaire mitigé à partir du 12 août 1921 et que le fameux procès qui l’avait condamné fut confié à un Conseil de Guerre. Pour les administrateurs coloniaux Belges, les actes reprochés au prophète portaient atteintes à la sûreté de l'Etat. Celui-ci, clamait-on, avait excité les populations à la désobéissance et qu'il constituait une menace à la tranquillité publique...
Tata Simon Kimbangu, ce digne fils des Cataractes fut donc un vrai nationaliste, le premier congolais qui, à cette époque, a eu le courage de défier les Belges dans le secteur de la religion chrétienne, un domaine où seuls les Européens avaient à dire.
Pour l’histoire et pour les générations futures, ce digne fils du District des Cataractes reste jusqu’à ce jour le seul prisonnier d’opinion africain qui a battu le record de longévité dans une maison d’arrêt en purgeant une peine de trente ans. Espérons que ce record ne sera plus jamais égalé de nos jours grâce à la prolifération des organismes spécialisés dans la défense des droits de l’homme.
Quant à la maison qui servit de tribunal où fut jugé et condamné Tata Simon Kimbangu, elle est devenue une propriété des Kimbanguistes. C’est un haut lieu historique et de pèlerinage situé en face de la gare centrale de Mbanza-Ngungu. Toutes les personnes qui souhaitent visiter ce monument historique peuvent contacter les dirigeants de cette église.
Quant à nous, notre souhait le plus ardent est qu’un monument soit érigé à sa gloire à cet endroit.